Le médaillon d’Elisa, nouvelle écrite par Sandrine Lefebvre, primée au salon du livre de Fontainebleau le 22 juin 2025.
Elisa, jeune diplômée, venait de s’installer à Fontainebleau. Elle avait trouvé un travail dans une entreprise de communication. Elle y apportait sa touche de créativité, ayant toujours eu une âme d’artiste. Ne connaissant personne, la première chose qu’elle avait faite, en arrivant dans cette ville, avait été de s’inscrire à l’école des Beaux-Arts. Elle avait choisi le cours de modèle vivant du lundi après-midi. Elle s’était dit que de profiter de ce moment où elle ne travaillait pas, tout en nourrissant sa passion du dessin serait un bon moyen de s’intégrer et pourquoi pas de faire de nouvelles rencontres.
La cité lui semblait vraiment agréable, verdoyante et vivante. Pour une amoureuse de la nature, la forêt serait pour elle un endroit propice à la méditation et à l’élaboration de croquis. Elle pourrait également y photographier des paysages et les reproduire ensuite ou en faire des montages avec son logiciel de retouche photo, cette idée lui mettait du baume au coeur.
Même si la solitude lui pesait un peu depuis son arrivée, elle ne regrettait en rien le choix de s’être installée ici.
En ce lundi d’avril, où le soleil commençait à réchauffer l’atmosphère, elle se rendit donc au cours de dessin. Comme à son habitude, elle prit place à côté de Mathilde, sa voisine de chevalet. Celle-ci exerçait la profession de fleuriste, et était passionnée par les arts, qu’elle pratiquait également en tant que violoncelliste, dans un orchestre amateur. Elles n’avaient jamais eu trop l’occasion d’échanger ensemble, mais Elisa sentait de bonnes vibrations émanant de leurs brèves conversations.
Le cours se déroula dans le calme, avec beaucoup de concentration. Le professeur allait régulièrement auprès de chaque élève afin de prodiguer ses conseils, sur un trait, une courbe…A la fin de la séance, Mathilde proposa à Elisa, une balade dans les jardins du château par ce bel après-midi ensoleillé. Il n’était que 16h30. Elisa apprécia la prise d’initiative de sa voisine, afin de faire plus ample connaissance.
En arrivant sur place, Mathilde et Elisa y trouvèrent quelques amis de la jeune fleuriste, qui avaient eu la même idée.
Ce fut l’occasion pour Elisa de rencontrer de nouvelles personnes et de passer un très bon moment. Le jardin de Diane dans lequel, ils flânèrent, était magnifique en cette saison.
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Des parterres fleuris s’étendaient à l’ombre des hêtres et des épicéas. On sentait la nature renaître.
Les marronniers impressionnaient Elisa, par leurs tailles immenses. Elle se sentait vraiment bien et n’avait aucune envie de retrouver son petit appartement qu’elle appréciait pourtant beaucoup.
Les nouveaux amis décidèrent de prendre un repas avant de rentrer chez eux. Cependant, Jérôme, le meilleur ami de Mathilde, proposa au groupe de prolonger leur sortie en faisant un tour de carrousel. Sitôt dit sitôt fait. Quelle bonne idée, se dit Elisa, les chevaux de bois lui rappelaient une boite à musique qu’elle avait eue étant enfant et qu’elle avait d’ailleurs gardée . Un peu de nostalgie de l’enfance et pourquoi pas un peu de magie. Le manège tournoyait. Elisa ferma les yeux. Cette douce rêveuse s’imaginait dans une forêt, chevauchant un beau cheval alezan, elle était grisée.
Quand la balade fut terminée, elle ouvrit les yeux, c’est alors qu’elle découvrit sur un rebord de la crinière du cheval, un tout petit cercle dont le motif lui évoquait vaguement quelque chose.
Mais elle ne parvenait pas à se rappeler où elle avait vu ce graphisme, qui lui paraissait cependant familier. Elle y réfléchirait plus tard, il était temps de descendre de sa monture et de rejoindre les autres.
Après avoir déjeuné dans leur snack habituel, ils échangèrent leurs numéros avec Elisa et rentrèrent chez eux. Elisa constata qu’elle appréciait de plus en plus sa nouvelle vie dans cette ville.
Confortablement installée pour écouter de la musique Baroque, qu’elle affectionnait tout particulièrement, elle s’endormit finalement très vite. Elle se réveilla pourtant brusquement. Elle réalisa enfin que la crinière du cheval arborait le même motif que celui de son médaillon en bois, qu’elle portait depuis toujours. Son esprit, occupé par d’autres pensées, n’avait pas immédiatement établi le lien. Ce bijou était une pièce de famille, sculptée par un ancêtre ébéniste et représentant un arbre de vie au centre d’un cercle. Finement ciselé, elle le portait depuis que son grand-père le lui avait offert. Pour elle, il symbolisait à la fois le souvenir de son grand-père et son appréciation particulière pour la nature. Elle rencontra des difficultés à retrouver le sommeil par la suit, se posant mille et une questions.
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Quel était le lien entre son médaillon et la marque sur le cheval. Peut-être que son ancêtre ébéniste avait fabriqué ce cheval. Elle se promit d’y retourner et de vérifier si cette marque se trouvait quelque part ailleurs sur le carrousel. Au réveil, elle appela Mathilde pour lui raconter sa découverte. Mathilde, friande de mystère, en effet, elle lisait beaucoup de romans à énigmes, était tout excitée à l’idée d’y découvrir quelque chose d’extraordinaire. Elisa se dit alors que son amie avait sans doute l’âme d’une Agatha Raisin, mais que, probablement, quand elle verrait le sceau sur les autres chevaux, elle se rendrait compte que c’était juste la marque de fabrique de l’ancêtre artisan.
La journée se déroula sereinement. Elisa était chargée de créer des affiches pour une campagne publicitaire visant à promouvoir de nouveaux produits écologiques. Elle fut particulièrement inspirée. Sauver la nature et la biodiversité était son cheval de bataille. Mathilde et elle avaient décidé de se retrouver le soir près du carrousel. Le manège avait cessé de fonctionner. Elles en profitèrent pour aller voir la gérante du manège et prétextèrent le besoin de prendre des photos pour leurs études d’art. Elles présentèrent leurs cartes d’étudiantes de l’école des Beaux-Arts et c’est avec plaisir qu’elle leur proposa de prendre des photos pendant que le manège était à l’arrêt. Elles se dirigèrent vers le cheval sur lequel était Elisa la veille. Elisa montra l’icône à Mathilde. La gravure était faite en creux sous la crinière
Elles examinèrent tous les chevaux du carrousel, sans toutefois trouver une marque similaire. Revenant vers le cheval sur lequel Elisa était assise la veille, Mathilde suggéra à Elisa de poser son médaillon dessus. Elles décidèrent d’essayer cette idée pour voir ce qui se passerait. Pourquoi pas après tout. Elisa pensa en plaisantant que le cheval pourrait peut-être se détacher et s’envoler. En posant le médaillon dans le creux de la selle, celle-ci s’ouvrit brusquement, provoquant une grande surprise chez les deux jeunes femmes, qui ne s’y attendaient pas.
Mathilde proposa d’examiner cette ouverture. Caché au fond de la boîte sous la selle, elles y trouvèrent un rouleau attaché par un ruban. La responsable du manège s’approcha, des passants qui avaient observé la scène, au loin, vinrent se joindre à eux. Mathilde tendit le rouleau à Elisa qui le dénoua, avec précaution. Le suspense était à son comble. Tous les yeux étaient rivés sur les mains d’Elisa. En le déroulant, lentement pour ne pas l’endommager, ils virent apparaître, une toile sur laquelle étaient représentés des arbres, avec un chemin, un superbe paysage représentant la forêt. Mais d’où pouvait bien venir cette oeuvre. Quelqu’un s’approcha d’elles, un peu plus près. Une dame âgée sembla reconnaître le style du trait. Elle se présenta, elle était enseignante en arts et avait fait une thèse sur un peintre, nommé
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Théodore Rousseau, qu’on appelait le « grand refusé » qui lui, bravait cette interdiction de peindre des oeuvres représentant uniquement la nature.
Jusqu’au 19ème siècle, une oeuvre représentant exclusivement la nature sans personnage était systématiquement rejetée par l’Académie des Beaux-Arts. Un tel refus empêchait toute vente, privant ainsi l’artiste de revenu. La dame suggéra de se rendre à la galerie d’art de la ville, elle connaissait la gérante qui pourrait potentiellement les aider à identifier l’auteur de cette oeuvre.
Après expertise, il s’avéra que l’artiste n’était pas connu. Entre 1800 et 1900, plus de 1500 tableaux à sujet Bellifontain ont été présentés au salon des Beaux-Arts, expliqua la galeriste. Ces artistes ont été vite oubliés par l’arrivée des impressionnistes juste après. Cependant ils ont partagé leur amour de la peinture et de la forêt, et c’était pour eux d’une importance primordiale. Le mystère demeure entier sur la présence de cette oeuvre dans le cheval.
Il est probable que l’ancêtre d’Elisa connaissait l’artiste. Peut-être lui a-t-il offert cette toile. Quel bel écrin pour elle d’être conservée dans ce merveilleux cheval. En créant le médaillon, il avait offert un beau trésor à un membre de sa famille ayant su résoudre l’énigme en associant les deux graphismes. Mathilde et Elisa étaient cependant fières d’avoir fait cette découverte.
Elles furent invitées à un vernissage où des oeuvres d’artistes locaux étaient présentées. Le tableau trouvé dans le carrousel fut exposé également afin de faire connaître aux Bellifontains, l’oeuvre qui dormait dans un cheval. Elisa eut même le privilège de composer l’affiche de l’exposition. Quelle fierté. Elle ne tenait pas particulièrement à garder cette oeuvre pour elle seule. Elle avait été trop longtemps cachée. Elle voulait qu’elle soit vue et appréciée par tous. Elle l’a donc offerte à la ville, elle trône maintenant dans le hall de l’hôtel de ville .
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