Chapitre I La naissance de Confinus

 

Il y a très longtemps, l’Europe du Nord était habitée par des peuples proches de la nature qui cherchaient à vivre en harmonie avec elle.

Ils considéraient que le monde était un tout et que les plantes, les animaux et les hommes étaient unis par des liens invisibles, mais bien réels.

Quelques humains avaient le pouvoir de communiquer avec la nature et d’interpréter les signes qu’elle leur envoyait. Pour cela, ils utilisaient ce que nous appellerions maintenant la magie.

Parmi les peuples qui vivaient sur le territoire de la France actuelle, les plus connus étaient les Celtes. On se souvient d’eux sous le nom de Gaulois et dans la région du nord de la France, dans laquelle notre histoire va se dérouler, vivaient les Nerviens, une des nations qui composait le peuple celte.

On appelait les hommes qui pratiquaient la magie, des druides. Ils étaient très puissants : ils fabriquaient des potions magiques, guérissaient les maladies et conseillaient les rois. Ils avaient surtout le pouvoir de créer des divinités selon leurs bons vouloirs ou leurs intuitions et les besoins du moment.

A cette époque, les dieux accompagnaient la vie des hommes et des femmes à chaque instant. Dans les moments heureux ou malheureux, à l’occasion d’événements importants ou dans les moments ordinaires de la vie quotidienne.

De surcroit, pour les Celtes, la nature était, elle aussi, peuplée de dieux qui la gouvernaient, avec, quelquefois, des querelles dont le sens échappait aux hommes.

Les humains avaient sans cesse besoin de nouveaux dieux. A chaque invention, à chaque émergence d’un sentiment nouveau, il fallait créer un dieu pour les représenter et les implorer.

Si les druides gaulois étaient encore parmi nous, ils créeraient certainement des dieux de la COVID, de TikTok, du chat, des influenceurs…

Ces nouvelles divinités étaient créées au cours de cérémonies qui se déroulaient lors de moments choisis savamment en fonction des étoiles, de la Lune, du soleil…

En consultant les astres, les druides déterminaient les dates favorables et programmaient précisément les cérémonies compliquées d’intronisation de ces nouvelles divinités.

Notre histoire commence au moment où, sentant que l’heure de créer une nouvelle divinité était venue, les druides se sont réunis par une belle nuit de printemps.

Le plus éminent des druides, celui qui devait nécessairement commander les autres, avait choisi l’endroit et la date de cette cérémonie. Il avait informé les participants en déléguant sa meute de lapins de course pour diffuser le message dans tous les villages du pays Nervien.

 Répondant tous à cette convocation impérative, les druides s’étaient réunis autour d’un dolmen au sommet d’une colline à proximité d’un village qui s’appelle maintenant Hamel. Cette bourgade était située dans une forêt de chênes, en aval de laquelle coulait déjà une rivière qui s’appelle à présent la Sensée.

Tous les druides s’étaient préparés soigneusement pour cet événement rarissime et fort important.

Ils avaient revêtu leur plus belle robe, portaient une couronne de fleurs fraichement cueillies et avaient accroché à leur ceinture, leur serpe aiguisée et lustrée sur laquelle la lumière de la lune se reflétait.

Ils savaient vivre et s’amuser ces nerviens et ils se réjouissaient par avance de l’entrée dans leur panthéon de ce nouveau dieu. Les druides furent accueillis par un banquet somptueux : les meilleurs vins, importés de Grèce, étaient mis à leur disposition dans des cratères de cuivre et servis dans des coupes en argent. Les sangliers rôtissaient en attendant d’être dévorés avec gourmandise par cette foule de prêtres affamés par un long voyage à pied.

Une fois que le soleil se fut totalement couché et que seules la Lune et les étoiles illuminaient la cérémonie, les druides se rassemblèrent et se concentrèrent en récitant des incantations magiques.

Le but de cette cérémonie était de donner vie à une branche de chêne, choisie par grand druide, coupée avec sa serpe d’or et placée sur le dolmen avec précaution.

Il leur fallait faire naitre une nouvelle divinité qui viendrait enrichir leur panthéon déjà bien fourni.

Leur Grand Druide dirigeait la cérémonie, assisté de nombreux druides à l’allure majestueuse.

Cette nouvelle divinité devrait être celle de la joie qui remplit les cœurs. Les hommes devenaient de plus en plus mélancoliques. Alors, pour leur rendre leur sourire, il leur faudrait un nouveau dieu qui les aide à redevenir joyeux.

Le grand druide entama une longue litanie de prières, souvent chantées, reprise en chœur par l’assemblée de ses adjoints. La cérémonie dura plusieurs heures et, grâce à la concentration de tous, elle frôla la perfection. Alors qu’elle touchait à sa fin, le Grand Druide s’apprêtait à prononcer la formule magique qui viendrait éveiller ce nouveau Dieu à la vie.

Toute cette cérémonie se déroulait dans une langue maintenant disparue, que seuls les druides comprenaient.

Cette formule était longue et nécessitait une grande concentration. Or, alors que le Druide allait prononcer les derniers vocables, une chauve-souris vint le frôler. Surpris, le mage sursauta et buta sur un mot. Il n’en fallut pas plus pour que tout le sens de la célébration change.